Combattre la colère, selon le Bouddhisme.

On combat la colère par la bienveillance. Mais comment faire pour avoir la bienveillance quand on est en face de son ennemi? Quelle attitude faut-il adopter devant une telle situation ?

Les textes suivants sont extraits du livre "Le chemin de la Pureté" (Visuddhimagga) du moine Buddhaghosa.

Au tout début, un pratiquant doit cultiver assidûment la bienveillance envers lui-même : "Puissé-je être heureux! Puissé-je échapper au malheur!" Ou, : "Puissé-je rester amical, satisfait, calme et heureux!" Prendre son propre bonheur comme référence suscite une aspiration au bien-être et au bonheur des autres : "J'aime le bonheur, je répugne au malheur, je veux vivre et non mourir. Les autres sont pareils."  Le Bouddha a d'ailleurs suggéré cette méthode lorqu'il a déclaré :

"Nous avons beau parcourir en esprit toutes les directions, nous ne trouvons personne qui nous soit plus cher que nous-mêmes. Les autres aussi sont chers à eux-mêmes.       Que celui qui s'aime lui-même ne nuise donc pas à autrui! ".

 Par conséquent, le débutant diffusera la bienveillance sur lui-même, afin de se fixer une référence. Ensuite il progressera aisément en se rémémorant son instructeur, son précepteur ou leur équivalent, une personne qu'il chérit, aime, respecte et vénère. Il se rappelle les paroles affectueuses et les autres raisons qui lui rendent cette personne chère et aimable, il pensera à sa discipline, à son érudition et aux autres causes de respect et de vénération, et il s'exercera à la bienveillance : " Que cet homme bon soit heureux, qu'il échappe au malheur ...." Avec une telle personne, le moine atteindra certainement l'insertion.

Si le moine ne se contente pas de ce résultat mais veut aussi supprimer les barrières, il cultivera ensuite la bienveillance à l'égard d'un compagnon très cher. Puis envers quelqu'un de neutre. Enfin à l'égard d'un ennemi. A chaque fois, il rendra son esprit souple et maniable avant de le diriger vers la personne suivante.

Celui qui répugne à diriger son esprit vers l'ennemi dont les méfaits lui reviennent en mémoire doit s'absorber à maintes reprises dans la bienveillance diffusée sur l'une des personnes précédentes et, chaque fois qu'il en émerge, chasser la répugnance en dirigeant la bienveillance vers l'ennemi.

Si, malgré ces efforts, sa répugnance ne disparaît pas, il doit faire des efforts assidus, conformément à l'image de la scie et à d'autres exemples pour éliminer cette répugnance.

Le Seigneur a dit en effet   "Et, moines, même si d'affreux bandits lui coupent membres après membres avec une scie à deux poignées, celui qui s'en irriterait ne mettrait pas mon enseignement en pratique."

Et aussi :

" Le pire est de répondre à la colère par la colère. En ne répondant pas par la colère, on gagne un combat difficile à gagner. En restant vigilant et calme alors que l'autre est en colère, on agit dans l'intérêt des deux : le sien et celui de l'autre."

Et encore :

" Sept malheurs réjouissent le rival d'un homme (ou d'une femme ) et répondent à son attente. Lesquels? Il souhaite que son concurrent soit laid. Pourquoi? Parcequ'il ne se réjouit pas de la beauté de son concurrent. Or, quand un homme est en colère, emporté par la colère, dominé par la colère, moines, sa colère le rend laid, même s'il s'est bien lavé, bien huilé, si ses cheveux et sa barbe sont bien soignés et s'il est vêtu de blanc. C'est le premier malheur, moines, qui réjouit le rival et qui répond à son attente.

De plus, moines, il souhaite que son concurrent dorme mal... que son concurrent ait peu de biens...  que son concurrent soit pauvre... que son concurrent ne soit pas célèbre... que son concurrent n'ait pas d'amis... que son concurrent n'aille pas dans une bonne destinée (un monde céleste) après la mort. Pourquoi? Parce qu'il n'aime pas que son concurrent bénéfie d'une bonne destinée, moines. Or un homme en colère, emporté par la colère, dominé par la colère, moines, se conduit mal physiquement, verbalement et mentalement. Comme il se conduit mal physiquement, verbalement et mentalement, il va à sa perdition après la mort, à sa ruine, dans une mauvaise destinée, en enfer."

Et encore :

"Le bradon d'un bûché funéraire, moines, brulé aux deux bouts et souillé au milieu, ne peut servir de bois d'oeuvre dans le village ni dans la forêt...Je dis, moines, que cet individu (qui n'agit ni dans son intérêt ni dans celui d'autrui) lui ressemble."

Le moine doit s'exhorter ainsi : "Voilà ce qu'a dit le Seigneur. Si tu cèdes à la colère, tu ne mettras pas en pratique son enseignement, tu seras semblable à l'homme qui répond à la colère par la colère, tu ne gagneras pas le combat difficile à gagner, tu seras toi-même la cause de malheurs qui répondront aux attentes de tes ennemis et tu ressembleras au brandon du bûcher".  

Si ces efforts dissipent la répugnance, tant mieux! Sinon, le moine doit l'écarter en se rappelant que cet individu a tel ou tel comportement paisible et pur, capable d'inspirer confiance.

Car certains hommes agissent paisiblement - le calme avec lequel ils accomplissent  leurs nombreux devoirs est visible à tous - , mais leurs conduites verbales et mentales ne sont pas paisibles. Le moine ne pensera pas à ces dernières et se remémorera seulement leur façon d'agir.

Le moine doit prendre en pitié l'homme qui n'est apaisé ni dans son corps ni dans ses paroles ni dans son esprit, en pensant : "Il vit à présent dans le monde humain mais contribuera d'ici peu au peuplement de l'un des huit grands enfers ou des seizes enfers dominants." Car la pitié favorise la disparition de la réticence.

Si les trois conduites (corporelle, verbale et mentale) de l'ennemi sont apaisés, le moine se remémorera celle qu'il veut. Il n'est pas difficile de cultiver la bienveillance à l'égard d'un tel homme.

Mais si la répugnance se manifeste encore en dépit de tous ces efforts, le moine s'exhortera comme suit :

"Qu'un ennemi te fasse du mal cela dépend de lui. Pourquoi nuirais-tu aussi à ton esprit qui ne dépend pas de lui? Tu as quitté les proches qui t'avaient beaucoup aidé, bien qu'ils pleurassent, et tu ne quitterais pas la colère, cet ennemi qui te fait tant de mal? La colère détruit les fondements de tes disciplines, tu la nourris cependant. Comment peut-on être aussi sot? Tu t'irrites qu'un autre commette des actions impures, mais tu lui ressemble quand tu cherches à en commettre aussi! Un autre te mécontente et cherche à t'irriter, vas-tu le combler d'aise en t'irritant? Tu lui feras peut-être du mal avec ta colère, mais c'est toi qui subis à présent le désagrément de ta propre colère. La voie de la colère est pernicieuse et tes ennemis l'empruntent mais pourquoi les suivre et te mettre en colère toi aussi?  Ton ennemi se rend désagréable parce qu'il est irrité. Chasse l'irritation! Pourquoi te faire du mal sans raison? Les choses ne durent qu'un instant : les ensembles qui t'ont fâché ont cessé. Contre qui vas-tu t'irriter à présent? A qui ton ennemi pourrait-il faire du mal si tu n'existais pas? Tu es la cause de ton propre malheur. Pourquoi t'irriter contre un autre?"

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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