De Dukkha aux cinq Agrégats

La notion de Dukkha peut être considéré de trois points de vues différents :

1. Dukkha en tant que souffrance ordinaire : souffrance, viellesse, maladie, mort etc...

2. Dukkha  en tant que souffrance causée par le changement : la vie heureuse n'est pas éternelle, permanente etc...

3. Dukkha en tant qu'état conditionné : un individu est une combinaison de forces ou d'énergies physiques et mentales en perpétuel changement,  qu'on peut partager en 5 groupes ou agrégats.

Le Bouddha dit " Ces cinq agrégats d'attachement sont dukkha"

Nous comprenons mieux ce troisième Dukkha quand nous aurons une idée plus nette de ce que sont ces 5 agrégats dont l'ensemble est appelé un "être" .

QUELS SONT CES CINQ AGREGATS ?

 

Premier agrégat : Agrégat de la Matière

La Matière comprend les quatre grands éléments traditionnels :

    - la terre (solidité)

   - l'eau (fluidité)

   - le feu (chaleur)

   - l'air (mouvement).

et aussi les dérivées de ces quatre grands éléments.

Sous ce terme de dérivées, on comprend les 5 organes des sens (oeil, oreille, nez, langue et corps) et les objets du monde extérieur qui leur correspondent :

- les formes visibles pour l'oeil

- les sons pour l'oreille

- les odeurs pour le nez

- les saveurs pour la langue

- les choses tangibles pour le corps

et également  les idées, les pensées ou les conceptions qui appartiennent au domaine des objets mentaux .

Le domaine entier de la matière tant intérieur qu'extérieur est ainsi englobé dans ce qu'on appelle l'Agrégat de la Matière.

Deuxième agrégat : Agrégat des sensations

Sont comprises dans ce groupe toutes les sensations plaisantes, déplaisantes ou neutres que nous éprouvons dans les contacts des organes physiques et de l'organe mental avec le monde extérieur.

Il y a six sortes de sensations :

                                            Organes internes        Objets externes

- sensations nées du contact    de l'oeil        avec      les formes visibles

- sensations nées du contact    de l'oreille    avec      les sons

- sensations nées du contact    du nez          avec       les odeurs

- sensations nées du contact    de la langue avec       les saveurs

- sensations nées du contact    du corps        avec      les objets tangibles

- sensations nées du contact    de l'organe mental    avec  les objets mentaux.

 

Pour la philosophie bouddhiste, l'organe mental (manas) n'est pas l'esprit par opposition à la matière. L'organe mental est une faculté au même titre que l'oeil, l'oreille, etc... Si l'oeil perçoit le monde des couleurs et des formes visibles, l'organe mental perçoit le monde des idées, des pensées qui sont des objets mentaux.

Les idées, les pensées ne sont pas indépendants du monde extérieur dont les cinq facultés physiques font l'expérience. Elles dépendent de ces expériences physiques et sont conditionnées par celles-ci. Une personne née aveugle ne peut pas se faire une idée des couleurs, sauf par des analogies sonores ou autres, éprouvées par d'autres facultés. Les idées, les pensées sont conçues par l'organe mental.

Troisème agrégat : Agrégat des perceptions

Comme les sensations, les perceptions sont également de six sortes. Elles résultent de la mise en rapport de nos six facultés intérieures avec les six sortes d'objets du monde extérieur.

Ce sont les perceptions qui reconnaissent les objets physiques ou mentaux.

Quand l'oeil entre en contact avec une couleur, le bleu par exemple, c'est la perception qui reconnaît que la couleur est bleue.

 Quatrième agrégat : Agrégat des Formations Mentales

Ce groupe comprend tous les actes volitionnels bons ou mauvais. Ce qui est connu généralement sous le nom de "karma"  (Pali : kamma) figure dans ce groupe.

Le Bouddha a défini le karma de la façon suivante :

"O moine, c'est la volition (cetana) que j'appelle karma. Ayant voulu on agit au moyen du corps, de la parole et de l'organe mental".

"La volition est une construction mentale, une activité mentale. Sa fonction est de diriger l'esprit (citta) dans la sphère des actions bonnes, mauvaises ou neutres. "

De même que les sensations et les perceptions, la volition a six formes qui sont en rapport avec les six facultés internes et les six sortes d'objets correspondants du monde extérieur. Ce sont les réactions de la volonté en face de ces objets externes (formes visibles, sons, odeurs, saveurs, les choses tangibles et les objets mentaux).

Les sensations et les perceptions ne sont pas des actes volitionels. Elles n'ont pas d'effet karmiques.

Ce sont seulement les actions volitionnelles, telles que

l'attention,  la volonté,  la détermination,  la confiance,  la concentration,  la sagesse,  l'énergie,  le désir, la répulsion ou la haine, l'ignorance, la vanité, l'idée de soi, etc...

qui peuvent avoir des effets karmiques. On énumère cinquante-deux activités mentales qui constituent l'Agrégat des formations mentales.

Cinquième agrégat : Agrégat de la Conscience

La conscience est une réponse ou connaissance, qui a pour base l'une des six facultés (oeil, oreille, nez, langue, corps, organe mental) et qui a pour objet un des phénomènes extérieurs correspondants (formes visibles, sons, odeurs, saveurs, les choses tangibles et les objets mentaux, c'est-à-dire les idées et les pensées). Par exemple la conscience visuelle a l'oeil pour base et la forme visible pour objet. Le Bouddha dit " Lorsque l'objet visible arrive à la base du sens visuel, naît la conscience visuelle. De même, lorsque des sons, des odeurs, des goûts, des objets tangibles, des objets mentaux entrent respectivement en contact avec l'oreille,, le nez, la langue, le corps l'organe mental, naissent les consciences auditive, olfactive, gustative, tactile et mentale.

Il existe donc six sortes de consciences, en relation avec les six bases internes et les six sortes d'objets externes.

Il faut noter que la conscience n'a pas la capacité de reconnaître un objet particulier en tant que tel. Elle est seulement le fait d'avoir connaissance de la présence de l'objet. Lorsque l'oeil, par exemple, entre en contact avec la couleur bleue, la conscience visuelle note la présence d'une couleur. Mais elle ne reconnaît pas que cette couleur est bleue. Il n'existe pas de reconnaissance à ce stade. La faculté qui reconnaît et identifie la couleur est la perception (le troisième agrégat). De sorte que l'agrégat de consciences est seulement la connaissance de l'expérience sensorielle naissant d'instant en instant aux portes des sens. Ces expériences ne sont pas immuables, même durant deux instants consécutifs, mais forment comme un flux, survenant et disparaissant continuellement.   

  Conclusion :

Tels sont, très brièvement, les cinq agrégats. Lorsqu'ils sont combinés, nous vient l'idée de les étiqueter ou de les nommer "individu" ou "personne"  ou "je". Toutefois ils sont impermanents, en perpétuel changement et, pour cela, sont dukkha. Il n'existe pas de substance ou d'essence immuable que l'on pourrait appeler "je" au sein des cinq agrégats, ni en dehors d'eux. Le Bouddha dit :

 "Tout ce qui est impermanent est dukkha".

Ailleurs, le Bouddha explique :

"O moine, comme les cinq agrégats naissent, se dégradent et meurent à chaque instant, vous-mêmes naissez, déclinez et mourez à chaque instant".